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Saisir l'Arcom : intéropérabilité et bénéfice des exceptions

L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (l'Arcom, anciennement Hadopi) peut être saisie pour une saisine pour avis ou une demande d’un règlement des différends.

Saisir l'Arcom d'une demande d'avis

L’article L 331-36 du CPI prévoit la possibilité de saisir l’Arcom:

  • en matière d’interopérabilité : cette demande d’avis doit être formulée par « tout éditeur de logiciel, tout fabricant de système technique et tout exploitant de service ». Les particuliers ne peuvent donc pas saisir l’Arcom.
  • en matière d’exception : cette demande d’avis doit être formulée par toute personne bénéficiaire des exceptions entrant dans le périmètre de la régulation de l’Arcom ou toute personne morale agréée qui la représente (association de consommateurs).

La procédure n’étant pas réglementée, il est revenu au Collège de façonner cette procédure. Ainsi, lors de l’instruction des saisines reçues, le Collège a instauré l’usage de consulter toutes les parties concernées par le biais d’entretiens et consultations publiques et de nommer un rapporteur.
 

Les avis rendus
En 2011, l’Hadopi a lancé un chantier relatif à l’exercice effectif des exceptions au droit d’auteur ou à un droit voisin. Conduit par Jacques Toubon, à l’époque membre du collège de la Haute Autorité, le chantier qui a donné lieu à une consultation publique et à un colloque, avait pour objet de mesurer l’adéquation des exceptions aux nouveaux usages et identifier les entraves éventuelles aux usages permis par les exceptions, et notamment celles liées aux mesures techniques de protection.
 
En 2012 l’Hadopi a pu s’engager dans l’exercice de sa compétence de régulateur des MTP. Saisie à 4 reprises, l’Hadopi a rendu trois avis sur des thématiques différentes (interopérabilité, dépôt légal, exception de copie privée) qui ont révélé la complexité du sujet, la multiplicité des équilibres en jeu ainsi que l’intérêt accru de certains consommateurs sur les problématiques liées notamment à la copie privée et à son interopérabilité.

Dans le cadre de l’instruction de ses avis le Collège a développé une politique intensive de concertation en procédant à l’audition de toute personne susceptible d’être concernée par la thématique. Ces auditions ont été complétées par des consultations publiques lors de l’instruction des saisines de la BNF et de VIDEOLAN et par des consultations écrites ciblées dans l’avis relatif à l’exception de copie privée des programmes télévisés reçus par l’intermédiaire d’un fournisseur d’accès à internet (FAI) ou par satellite. Le Collège a pu ainsi recueillir mettre en balance les différents intérêts en jeux et proposer des solutions pragmatique et équilibres qui tiennent compte d’une part des nouveaux usages des consommateurs et d’autre part des réels risques des titulaires des droits notamment en terme de piratage de leurs œuvres.
 
Ainsi dans le cadre de l’avis VideoLAN rendu en avril 2013 l’Hadopi a posé comme principe que « la gravité d’une atteinte à l’efficacité d’une mesure technique de protection doit s’apprécier au vu du degré de protection globale de l’œuvre concernée, c'est-à-dire pour l’ensemble des supports et formats dans lesquels elle est distribuée. Sa disponibilité dans des formats et sur des supports moins protégés serait de nature à minimiser cette atteinte ». Elle a par ailleurs rappelé que les mesures techniques ne sont protégées que « si leur objectif est d’empêcher ou de limiter les actes portant atteinte aux droits du titulaire protégés par celle -ci ».

Dans son avis du 11 septembre 2014 relatif à l’exception de copie privée des programmes télévisés reçus par l’intermédiaire d’un fournisseur d’accès à internet (FAI) ou par satellite le Collège de l’Hadopi a considéré que malgré le fait que des limitations à la copie puissent être justifiées, notamment afin de réduire le risque de contrefaçon sur internet, les restrictions ne doivent pas excéder ce qui est nécessaire pour limiter un tel risque. A cet égard, il a considéré que des limitations privant les copies privées de toute interopérabilité avec d’autres lecteurs que l’enregistreur ayant réalisé la copie, et empêchant la conservation des copies en cas de changement du fournisseur, apparaissent excessives. Dans ce contexte il a invité les opérateurs à proposer à leurs clients, dans un délai raisonnable, une faculté de copie privée des programmes télévisés qui leur permette de réaliser des copies durablement conservables et disposant d’une interopérabilité suffisante pour l’usage privé du copiste.
 
Lors de l’avis du 30 janvier 2013 relatif à l’exception de dépôt légal, le Collège a fait usage de son pouvoir de recommandation législatif et a considéré utile d’apporter modification du régime du dépôt légal pour permettre à la Bnf de disposer d’une version non protégée des documents numériques, ce qui implique une réflexion plus globale sur le périmètre et les modalités du dépôt légal des documents numériques.
Saisir l'Arcom d'un différend
L’Arcom peut être saisie dans le cadre d'un règlement des différends dès lors qu’une MTP empêche l’interopérabilité ou restreint le bénéfice de certaines exceptions énumérées par le code de la propriété intellectuelle.

En matière d’interopérabilité : l’Arcom peut être saisie sur ces question conforment à l’article L.331-32 du CPI comme en matière d’avis  par tout éditeur de logiciel, tout fabricant de système technique et tout exploitant de service peut, en cas de refus d'accès aux informations essentielles à l'interopérabilité et ce afin de « garantir l'interopérabilité des systèmes et des services existants, dans le respect des droits des parties, et d'obtenir du titulaire des droits sur la mesure technique les informations essentielles à cette interopérabilité ».

Afin de régler le différend, l’Arcom peut au titre de l’article L. 331-32 du CPI :
  • accepter des engagements proposés par les parties et de nature à mettre un terme aux pratiques contraires à l'interopérabilité ;
  • rendre une décision motivée de rejet de la demande ;
  • émettre une injonction prescrivant, au besoin sous astreinte, les conditions dans lesquelles le demandeur peut obtenir l'accès aux informations essentielles à l'interopérabilité (en précisant la durée de cet accès, son champ d’application l’indemnité à verser au titulaire) et les engagements qu'il doit respecter pour garantir l'efficacité et l'intégrité de la mesure technique - y compris le cas échéant de renoncer à la publication du code source ou de la documentation technique - (avec la possibilité de recourir à un expert pour vérifier le respect de ces engagements), ainsi que les conditions d'accès et d'usage du contenu protégé ;
  • infliger une sanction pécuniaire applicable soit en cas d'inexécution de ses injonctions, soit en cas de non-respect des engagements qu'elle a acceptés.
 
En matière d’exceptions, l’Arcom peut être saisie au titre dès l’article L.331-33 et L 311-34 du CPI :
  • par toute personne bénéficiaire des exceptions privilégiées ou toute personne morale agréée qui la représente de tout différend portant sur les restrictions que les MTP apportent au bénéfice desdites exceptions.
  • par toute  « personnes morales et […] établissements ouverts au public […] qui réalisent des reproductions ou des représentations d'une œuvre ou d'un objet protégé adaptées aux personnes handicapées »,  « de tout différend portant sur la transmission des textes imprimés sous la forme d'un fichier numérique. » (articles L 331-34 du CPI). L’Arcom pourrait être saisie de ce différend par une personne morale habilitée qui aurait sollicité la transmission de ces fichiers.
 
À compter de sa saisine, l'Autorité dispose là encore d'un délai de deux mois pour rendre sa décision pendant lesquels elle s’efforce de concilier les parties.
 
Elle dresse un PV de conciliation qui a force exécutoire  ou à défaut elle peut :
  • rendre une décision motivée de rejet de la demande,
  • émettre une injonction prescrivant, au besoin sous astreinte, les mesures propres à assurer le bénéfice effectif de l’exception.
 
Les réglements de différend traités
En 2015 la Haute Autorité a été saisie pour la première fois sur le fondement de l’article L. 331-34 du code de la propriété intellectuelle d’une demande de règlements de différends relative à la mise en œuvre de l’exception en faveur des personnes atteintes d’un handicap instaurée par le 7° l’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle.
 
Par ces dispositions, le législateur a prévu que des organismes, dont la liste est fixée par les ministres chargés de la culture et des personnes handicapées, peuvent obtenir les « fichiers numériques ayant servi à l’édition des œuvres dont la date de dépôt légal est postérieure au 4 août 2006 » en vue de permettre, par la réalisation de supports adaptés, une consultation strictement personnelle par des personnes handicapées dont le niveau d'incapacité est égal ou supérieur à un taux fixé par décret en Conseil d'État. L’objectif de l’exception est de proposer aux personnes en situation de handicap une offre de lecture la plus proche possible de celle offerte au grand public. En effet, faute d’intérêt commercial direct, les titulaires de droit se donnent rarement la peine de publier leurs œuvres sur des formats adaptés aux personnes atteintes d’un handicap visuel.
 
Afin d’assurer l’effectivité de l’exception, le législateur a en outre prévu, toujours à l’article L. 122-5 7°, que ces mêmes personnes morales et établissements ouverts au public peuvent demander, via la BnF, la transmission des fichiers numériques des œuvres imprimées. Celle-ci joue le rôle de centralisateur via une plateforme appelée PLATON (Plateforme de Transfert des Ouvrages Numériques). À la suite de la demande de la BnF, l’éditeur a alors deux mois pour lui transmettre le fichier numérique (article R. 122-20 CPI).

Dans ce cadre le législateur a prévu une compétence particulière de l’Hadopi. En effet, L’article L. 331-34 précise que « Les personnes morales et les établissements ouverts au public visés au 7° de l'article L. 122-5 qui réalisent des reproductions ou des représentations d'une œuvre ou d'un objet protégé adaptées aux personnes handicapées peuvent saisir la Haute Autorité de tout différend portant sur la transmission des textes imprimés sous la forme d'un fichier numérique. ».

Saisie par une association représentative de professionnels atteints de handicap visuel pour accéder aux œuvres d’un éditeur, l’Hadopi a comme prévu par l’article L. 331-35 du code de la propriété intellectuelle, engagé une procédure de conciliation.
 
Les deux parties ont été auditionnées ainsi que le service de la BNF qui gère l’application PLATON.
 
Aux termes de ces échanges, une conciliation a été trouvée qui permet à travers des engagements concrets des deux parties, la transmission progressive des fichiers numérique demandés et le déploiement d’une une politique active de prévention de tout usage contrefaisant des fichiers et confirme  tout l’intérêt de la procédure souple et rapide de régulation en vue de concilier, lorsque nécessaire, la protection des droits et le bénéfice effectif des exceptions.
Le schéma de procédure de réglement de différends

Schéma de procédure de réglement de différend

Que faire pour saisir l’Arcom ?

Qu’il s’agisse d’une saisine pour avis ou d’un règlement des différends, vous pouvez saisir l’Arcom en adressant une lettre recommandée avec demande d'avis de réception à l’adresse suivante :

Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique
À l’attention du Président
39-43 Quai André Citroën
75015 Paris

Vous devez alors indiquer :

  • Votre nom et votre adresse, le cas échéant, vos statuts. En cas de recours à un représentant ou à un conseil, le mandat donné;
  • L’objet de la saisine et les pièces éventuelles sur lesquelles la demande se fonde ;
  • Votre qualité pour saisir l'Arcom.

Des précisions sont à fournir si vous saisissez l’Arcom d’un règlement des différends.

Vous estimez qu’une mesure technique de protection entrave l’interopérabilité :
Vous devez préciser le nom, et si vous la connaissez, l’adresse des parties concernées. Vous devez en outre préciser la nature et le contenu du projet dont la réalisation nécessite l'accès aux informations essentielles à l'interopérabilité que vous sollicitez et justifier avoir demandé et vous être vu refuser cet accès soit par le titulaire des droits sur la mesure technique, soit par le fournisseur, l'éditeur ou la personne procédant à l'importation ou au transfert des informations ou de la mesure technique en cause depuis un Etat membre de l'Union européenne.

Vous estimez qu’une mesure technique de protection entrave l’exercice effectif d’une exception :
Vous devez préciser le nom, et si vous la connaissez, l’adresse des parties concernées. Il vous faut également justifier avoir demandé au titulaire des droits recourant à la mesure technique de protection de prendre les mesures propres à permettre l'exercice effectif de l’exception invoquée. Si vous êtes une personne morale ou un établissement ouvert au public visés au 7° de l’article L. 122-5 du CPI, vous devez en outre justifier être inscrit sur la liste mentionnée au II de l'article R. 122-17 et avoir demandé et vous être vu refuser la transmission du fichier numérique d'une œuvre imprimée par l'organisme dépositaire mentionné à l'article D. 122-22.

Pour en savoir plus sur la procédure de règlement des différends, vous pouvez consulter les articles R. 331-56 et suivants du code de la propriété intellectuelle.

Qu’il s’agisse d’une saisine pour avis ou d’un règlement des différends, l’Arcom pourra vous adresser une demande de régularisation en cas de saisine incomplète.